6 raisons de continuer à (essayer de) cultiver la joie
On s’est donné un défi : ne pas céder au désespoir, ni au rabais sur les écrans plasma en pack de 8 au Costco.
Faque han, c’est rushant la vie, mettons, c’temps-citte? On va pas te contredire là-dessus, on a nous-mêmes traîné de peine et de misère jusqu’à aujourd’hui nos carcasses pleines de stress et de chocolats de l’Avent mangés trop vite. On ne fera pas l’énumération de toutte le pourquoi du comment, mais ataboy que ce décembre fait passer novembre pour un mois joyeux du style juillet ou mai!
OK, mais là, ça va-tu être drôle comme texte, oubedon vous allez me déprimer encore plusse?
— ToiNonon, reste, ça va devenir plein d’pep, tapeu!
— Nous
Rarement ce fameux temps des réjouissances nous a donné aussi peu d’envie de nous réjouir, et pourtant…
S'tu là ça vient peppé?
— ToiContinue à lire!
— Nous
Et pourtant… un peu comme quand on continue de fouiller dans un tas de vieux vinyles de jokes cochonnes de mononcles dans un marché aux puces qui sent le fond de cave, on persévère dans la binne apparemment remplie de scrap de la vie à la recherche de la trouvaille à 2$ qui saura racheter tout le reste.
Des entrailles du pit de désespoir que peut sembler ce monde, on a exhumé pour vous quelques raisons qui nous donnent envie malgré tout de cultiver un peu de bonheur.
Si tu lis jusqu’au milieu, tu vas trouver une belle annonce le fun, et si tu toffes jusqu’à la fin, de quoi d’un peu sérieux, limite poétique. Mais d’abord…
1) Les chats
Quand on a brainstormé la présente liste, on s’attendait pas à avoir à expliciter ce point, on pensait que le titre suffirait. Mais comme y’a sûrement une couple de dog moms & dads qui nous lisent (on vous salue, on vous aime mais on vous comprend pas et on vous souhaite d'avoir du fun à ramasser un caca qu'on sent encore bien chaud à travers un trop mince sac de plastique), on va devoir y aller avec des preuves irréfutables.
Pièce à conviction numéro 1 :
Pièce à conviction numéro 2 :
Il y a quelque chose d’émouvant et de profondément gratifiant à être choisi·e par un chat. Le chat ne fait rien pour vous faire plaisir; son seul baromètre, c’est son ego. Alors quand il décide de vous offrir son affection, de vous considérer comme une compagne ou un compagnon de sieste ou de lecture, de vous demander des gratouilles derrière les oreilles ou sur le bedon, on a l’impression d’être béni·e des dieux et déesses. Il n’a pas besoin de nous, il n’est pas domestiqué comme on le croit, et pourtant il reste auprès de nous. Parce qu’il en a envie.
Quand un chat se glisse sous les couvertures pour ronronner de bonheur contre nous, la tristesse se met en pause.
2) So-so-so! Sophie Durocher! Non… me semble c'pas ça…
Est-ce qu'on est tanné·es de la grève? Hum… Certainement pas autant qu'on l'est d'un gouvernement qui laisse traîner la grève alors qu'il est prêt à pitcher des millions sur une équipe de hockey et des milliards sur une usine de batteries.
Et si on présentait les professeurs comme le lithium qui alimente les batteries que sont les enfants, pensez-vous qu'on pourrait avoir une poignée de change?
— Le Front commun, brainstormant de nouvelles approches
Mais dans un Québec qui est à un burnout de grands-parents de s'écrouler tellement tout semble reposer sur la capacité de papi et mamie de ne pas encore être tanné·es de garder leur petite-marmaille, reste quand même le grand plaisir de voir que l'appui du public est du bord des profs et du personnel de soutien, et pas de celui de François «pensez à nos enfants (mais pensez pas trop aux enfants palestiniens, parce qu’eux, franchement, bof)» Legault.
Un sondage du Journal de Montréal révèle que 56% des répondants sont d'accords avec la grève, alors que 34% seulement des répondants ont le courage de dire «je suis un idiot qui ne comprend rien» quand un sondeur les appelle.
Mieux encore : chez les parents avec des enfants d'âge scolaire, l'appui monte à 63%! Peut-être sont-iels simplement heureux·se d'un petit mois à pas avoir à faire de lunch chaque maudite journée.
Ou ben… Peut-être assiste-t-on ici à une belle vague de solidarité. Quasiment comme si… attendez une minute là, on vient de penser à kekchose… on relie les points dans nos têtes, là, pis…
Comme… si… plein de gens avaient réellement à coeur le bon développement et l’épanouissement des enfants en offrant aux personnes dont c’est la tâche des conditions de travail décente? Ça serait ben l’boutte d’la marde!
Et il n'en faut pas plus pour que dans les bureaux de la Coopérative Agricole Vas-tu finir inc. (où on cultive des chanterelles sur nos murs de salle de bain), on lève les bras dans les airs en criant «OMG, la révolution prolétarienne est à nos portes!». Ooooh, comme il est doux à nos oreilles le son du marteau et de la faucille métaphoriques.
Parents, non-parents, professeurs, infirmières, membres du personnel de soutien, gens qui tenez le système à bout de bras, s'il vous plaît : continuez à faire faire des convulsions à Mario Dumont. Maudit qu'il n'aime pas ça quand les individus se mettent en groupe pour exiger ce qui leur revient…
3) Le retour des Chefs!, avec de vieux aspirants-chefs
Le concept de faire du neuf avec du vieux n’a jamais été aussi excitant depuis 1) les tapis d’entrée tissés avec des sacs de poubelle par un cercle de fermières, et 2) la prochaine saison des Chefs! intitulée : L’affrontement.
Normalement, la simple annonce du retour du doux visage d’Élyse encadré de 48 minutes de sous-vide et d’espuma suffirait à nous faire traverser la grisaille de janvier à mars sur un nuage de fébrilité et de myrique baumier. Cette année, nous aurons en plus la délectation de pas nous souvenir de 12 nouveaux vieux concurrent·es! La prod ramène d’ancien·nes aspirants-chefs (donc des expirants-chefs) qui, non content·es des piètres conditions de travail de l’industrie de l’hospitalité, se sont dit que ce serait vraiment le top d’aller suer de stress devant la baboune de Pasquale et ses jugeatoires amis.
Quels nouveaux proverbes du terroir Colombe nous servira-t-elle?
Isabelle, elle-même expirante-cheffe, sera-t-elle frufrue de ne pas pouvoir participer parce qu'elle est pognée à la table des juges?
Combien de candidat·es Caroline pourra-t-elle se vanter d’avoir déjà rencontré·es dans un cocktail dînatoire?
Comment survivra-t-on à l’insupportable attente d’ici au printemps 2024?
Toutes ces réponses au printemps 2024. D'ici là : Face d'Élyse, tout le monde!
4) Ah tiens gadonc ça, on a écrit un livre
Parlant de printemps 2024… celui-ci arrivera plus vite que prévu, et pas juste à cause que la planète est en feu pis qu’on passe Nowel sul’ gazon!
Figurez-vous qu’on faisait pas semblant d’être des péteux·ses de broue dans un café montréalais en lâchant nonchalamment «ouais, on écrit un livre», devant un curseur qui clignote en vain dans Word depuis 4-5 ans. On a écrit un vrai livre. Pis on a un vrai éditeur. Pis ça va sortir…
… fin mars, au printemps. Chez Québec Amérique.
Ce qui signifie qu’il y a de fortes chances que nous soyons sur place au Salon international du livre de Québec en avril pour vous pointer les toilettes et estampiller votre coupon de stationnement!
On vous avisera, avec moult séances d’autopromotion sans vergogne, des détaux importants, comme la date et le lieu du lancement, de quossé qu'a l'air la couverture, où et comment précommander la dite couverture et les autres pages qui viennent avec, comment faire cuire une caille sur le coffre en sarcophage et autres brûlantes questions d’actualité.
Ce livre inclut environ 75 % de textes inédits et aura pris 3 ans à naître, ce qui est une gestation plus longue que l’éléphant mais moins longue qu’un nouvel album de Nine Inch Nails. Il nous faisait rire encore à la 102e lecture qu’on voit pu clair les yeux cross-sided, faque on est pas trop pire confiant·es qu’il vous fera vous esclaffer aussi, ou du moins vous extirpera minimalement un «ha!» sonore au bout d’une centaine de pages.
Le livre sortira aussi l’année de notre dixième anniversaire. Si on était un couple marié, ce serait nos noces d’étain.
Étain? Pourtant, on est encore assez allumé·es!
— Mathieu, qui se magasine un divorce
Si on était des enfants, ce serait nos fêtes dans le sous-sol la porte fermée interdit aux parents qu’on peut veiller jusqu’à 22h30.
Comme on est ni l’un ni l’autre, on célèbre ça avec un livre. Et si possible un gros gâteau avec nos faces dessinées en glaçage dessus.
5) L'IA a beau s'essayer, le monde continue quand même de créer
Pas toujours facile de savoir quoi penser de l'intelligence artificielle. D'un côté, il y a les peddlers d'apocalypse convaincus que Chat GPT est à deux updates de prendre le contrôle. De l'autre, il y a le constat que si tu demandes quelque chose de vraiment simple à Chat GPT, il va trouver moyen de te bullshiter ça plus intense que Bernard Drainville en entrevue avec Patrick Lagacé.
Du côté des images générées par intelligence artificielle, c'est un peu plus convaincant, mais… c'est encore creepy. Prenons par exemple cette récente publication des producteurs de lait au chocolat :
Dave et Steeve n'existent pas. On le sait parce que…
Le mini-bras tatoué dans le background n'appartient à personne.
Le gars de droite a juste une épaule.
Son verre de lait ne tient pas dans le bon angle.
Pour deux dudes avec des pattes d'oie intenses sous les lunettes, ils ont le front lisse en maudit.
Leur implantation de cheveux ressemble à une perruque de Ru Paul.
La main de gauche passe directement du poignet aux doigts.
Plus tu regardes l'image, plus tu le sais que tu vas faire des cauchemars si tu ne détournes pas le regard bientôt.
N’en déplaise à tous·tes celleux qui ont profité de 2023 pour te vendre à gros prix des tricks sur comment demander à un robot de faire ta job (job que tu devras recommencer aux ¾ anyway parce que bourrée d’erreurs factuelles pis de jointures en trop), on croit donc encore que la singularité est loin d’être proche pis que c’pas demain la veille qu’une intelligence artificielle va être capable de procrastiner comme sait le faire une autrice ou auteur.
Peut-être que ChatGPT est ben bon pour générer des statuts Facebook qui seront likés en masse par d’autres robots pis ton oncle boomer. Peut-être que Midjourney fait les meilleures mains avec trop de doigts dedans.
Mais ChatGPT peut pas écrire Tomorrow, and Tomorrow, and Tomorrow comme Gabrielle Zevin. Midjourney peut seulement vaguement copier une troublante sculpture de David Altmejd. Aucun robot ne peut composer Bending Hectic comme The Smile.
Les robots ne peuvent pas faire de la magie comme nous.
Et même si la machine va assurément voler le gagne-pain de plusieurs artistes et créateur·rices… on va continuer à artister et à créater.
Parce que c'est ça qu'on fait.
Pis maudit que c'est beau.
6) Le fait que si on essaie même pas juste un peu d'être heureux·se malgré tout, on va faire quoi?
Tsé quand il fait 28 degrés un samedi de fin novembre, pis que tu vas prendre une marche en camisole parmi les décorations de Noël? Et tsé quand, alors que le soleil se pose sur ton visage, ton corps a le réflexe de produire les hormones qui font faire «oooooh, qu'on est bien et qu’elle est belle la vie sur Terre»?
Pis tsé comment, juste en-dessous de tout ça, y’a comme une grande vague de panique qui commence à s'installer, parce que hé la la que c'est pas supposé être comme ça, et que chaque seconde de plaisir qu'on tire de tout ça feele comme du bonheur emprunté à un shylock qui va éventuellement venir nous péter les deux jambes?
Tsé comment, ces temps-ci, tout ce qui est un peu agréable a une chance sur deux de venir d'un puits de misère qui va éventuellement engloutir l'humanité?
Tsé?
Ouais, on le sait que tu le tsé. On le tsé aussi. Tout le monde le tsé, même si on ne se le dit pas.
Le fait de ne pas être seul·es dans l'apocalypse est un étrange réconfort,
mais c'en est bien un.
Ainsi va la vie en 2023. Et ainsi ira la vie en 2024. Pis en 2025. Pis après ça aussi, sans doute, mais à ce point-ci, s'engager à quoi que ce soit plus de 24 mois à l'avance semble téméraire.
Le bonheur à travers les décombres d'une planète dévastée (on en met un peu pour l'effet), ça fait sentir anxieux, et surtout coupable. Et pourtant… ce bonheur n'est-il pas plutôt la preuve que l'Humain·e est fait pour trouver le beau partout où iel le peut? Le rappel qu'on est tous·tes, quelque part, porteur·se d'un petit morceau de bonheur qui essaie d'exister par tous les moyens possibles, quitte à se sortir la tête de l'eau entre deux noyades pour dire «Hey, c'est quand même cool que la piscine soit à 82!».
La colère et l'indignation sont utiles, et on en aura besoin quand viendra finalement le temps d'affuter les torches et d'allumer les fourches pour marcher en gang jusqu'au château où se terrent les responsables de tout ce fouillis. Mais la colère ne peut pas être la seule chose qui nous nourrit.
S'émerveiller de la belle couleur des flammes d'un dépotoir en feu, c'est bizarre comme feeling. Intensément bizarre. Mais c'est aussi laisser s'exprimer la propension naturelle de l'humanité à faire pousser le bonheur partout où elle le peut. Et c'est ÇA, c'est l'énergie que ça nous donne, qui va nous permettre de crisser tous les Elon Musk pis les Javier Milei dans le brasier. Un jour. Bientôt, on l'espère.
Notre p’tit bois est bien sec, ça va ben pogner.