Juin et la fierté (en travers de la gorge)
On te promet ben des arcs-en-ciel pis des paillettes si tu te rends à la fin.
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Mais d’abord, parlons des affaires pas d’allure
Ben voilà. On y est. Un politicien canadien vient de proposer toutes les horreurs anti-trans qu'on voit venir d'ailleurs depuis quelque temps. Sans surprise, il s'agit de Maxime «je vais rouvrir le débat sur l'avortement» Bernier, chef du Parti Populaire du Canada.
Après avoir prétendu qu'il n'y a pas de personnes trans, seulement des malades mentaux, Bernier a proposé de ramener les thérapies de conversion, d'envoyer en prison celleux (parents et médecins) qui aident les jeunes à transitionner, de bannir des livres des écoles, de réglementer les toilettes et tout le tralala que vous pouvez imaginer, d'une citation de Jordan Peterson au vocabulaire habituel d'«idéologie radicale» et de «mutilation des enfants». Du gros stock dégueu, qu'on espère fringe, mais sur lequel on ne se fait pas d'illusion : hors de notre bulle, ça se pense et ça se dit.
Éric «les drag queens, c'est pareil comme du blackface» Duhaime a commencé à tremper dans ces eaux-là lui aussi, et ce n'est qu'une question de temps avant que François «j'ai lu Biz pis c'est intéressant quand il parle de la censure anti-blancs» Legault s'y mette lui aussi. La droite crackpot, c'est là où on teste les idées de marde pour savoir quelle quantité d'eau la droite normale doit ajouter dedans pour faire passer ça pour du lait au chocolat. (Ceci s’appelle la fenêtre d’Overton, soit la portion de discours qu’il est considéré comme acceptable de tenir en public, pis cette fenêtre se tasse vers la droite aussi rapidement qu’un dudebro à calotte dans une Tiburon rattrapé par la police à 190 sur l’étoroute).
Le tout est évidemment alimenté par le délire de plus en plus dangereux de la droite américaine, qu'il serait trop long et trop éprouvant de détailler ici. (En résumé : «HAAA! La bière est rendue trans! Pow pow pow! Won't somebody please think of the children! Pow pow! Target est un magasin pédophile et sataniste! Pow pow pow! HAAAAA! Groomers! Pow pow pow!», avec un side order de lois pour interdire aux enfants trans, puis aux adultes trans, d'exister.) Disons seulement que la peur que ça finisse dans un bain de sang est réelle et fondée.
C'est dans ce contexte d'intense transphobie et d'homophobie ambiantes que va se dérouler le mois de la Fierté cette année. (Fun fun!) Et quand quelqu'un viendra invévitablement commenter «Pourquoi on parle de fierté? Je suis pas fier d'être hétéro, moi. Ce serait comme être fier d'avoir les cheveux bruns, ça a pas rapport», on saura plus que jamais quoi répondre.
C'est la Fierté, parce que certain·e·s voudraient qu'iels aient honte. Parce que certain·e·s voudraient qu'iels vivent cachés, loin des regards. Parce que certain·e·s veulent nous convaincre que la simple existence des personnes LGBTQIA2S+ est une menace, qu'il faut réprimer avec la force de l'État.
La Fierté, c'est le contraire de la honte.
La marche, les événements, les affiches, le linge avec des arcs-en-ciel dessus, c'est une façon d'exister dans l'espace public, de refuser le placard.
Les célébrations et le plaisir sont autant de fuck yous à la noirceur ambiante, parce que dans une ère comme la nôtre, le bonheur est un acte de résistance.
Amis gai·es, trans, queers, vivez fièrement.
On a votre back, et ce mois-ci, notre infolettre va être spécialement dédiée (juste avant le melting pot de la fin) à mettre en valeur des créateur·rices et des créations queers. Chaque clic fait pleurer un néonazi.
On écoute quoi pendant qu'on lit?
Pour se sentir à la fois classy, futuriste et rétro, on part Switched-on Bach, de Wendy Carlos. Carlos est une pionnière de la musique électronique, dont le rôle dans la démocratisation du synthétiseur suffirait à lui tailler une place de choix dans l'histoire. C'est elle qui est derrière la musique de Clockwork Orange et Tron. Mais c'est aussi une femme trans ayant fait sa transition au début des années 1970 (pouvez-vous imaginer!). Elle a continué pour le reste de la décennie à se présenter en public en tant qu'homme, une mascarade qu'elle a décrite comme «un monstrueux gaspillage de [s]on temps». Malheureusement, la musique de Carlos est presque introuvable en ligne, et c'est bien dommage.
On peut aussi se mettre dans un p’tit mood r&b sensuel estival avec le dernier album de Sam Smith (iel/they/them/voix angélique), Gloria, mais faut faire une pause danse sur la chaise twerking accoté·e su’l bureau pour Unholy, son duo avec Kim Petras.
«C’t’une affaire de jeunes, y’avait pas ça avant»
Faut pas charcher ben ben loin pour trouver des traces pas du tout subtiles (allô les «colocs» et autres «bonnes amies» historiques!) pour voir que la diversité sexuelle et de genre ne date pas de 1998. Faire revivre ces histoires qu’on a tenté de cacher est un beau passe-temps. Il y a par exemple celle de Maud Allan, actrice, danseuse et chorégraphe de la Belle Époque dont on a ruiné la réputation puisqu’elle était amoureuse d’une femme, en qualifiant tout ça de «culte du clitoris». Ou alors l’histoire du Chevalier d’Éon, qui se présentait en femme (bien entendu, on appelait ça du travestissement pis on disait qu’elle était pas ben dans sa tête). Enfin, cet article (toujours de Messy Nessy Chic, un maudit bon site web si t’as un bon adblocker) sur plusieurs façons traditionnelles d’échapper à la binarité des genres dans les sociétés autres qu’occidentales blanches nous amène à te conseiller, si tu es de passage à Québec, de visiter l’expo Unique en son genre, au Musée de la civilisation.
Rainbowtok
TikTok est une formidable plateforme tant que tu tombes pas du côté obscur. Au Québec, on y suit @angelgabriel.html, une très chouette personne non-binaire qui, en plus d'avoir les plus belles boucles d'oreilles et les plus cool chemises, fait de la vulgarisation avec le sourire.
On vous met au défi de résister à l’accent le plus charmant du monde, celui de @Chiquita.mere qui marie le franglais avec much fun and sentiment.
La bio de @Trannawintour dit ‘’comedian/singer/writer/hoe’’, pis on ne sait pas trop ce qu’il vous faudrait de plus dans la vie.
Musique, humour, anticapitalisme : @Eveparkerfinley a tous les talents, en plus de nous donner envie de devenir des hamburgers bi.
Aux states, Erin Reed, alias @Erininthemorning, est une excellente ressource pour se tenir au courant des nouvelles (généralement mauvaises, mais parfois positives) américaines sur les questions trans. Elle est aussi la fiancée de de Zooey Zephyr, l'élue du Montana barrée par les Républicains après un speech légendaire.
L’Australie nous a pas juste donné Men At Work pis Hugh Jackman : elle nous offre aussi de la pédagogie LGBTQ+ avec le très instructif compte @RainbowHistoryclass.
YouTubeur est une job astheure
On vous a déjà conseillé de suivre Matt Baume, mais on récidive. Ses vidéos relatant la petite et grande histoire des personnes queers à la télé font réaliser que certaines portes n'ont été enfoncées que tout récemment. Le coming out de George Takei, par exemple, ne date que de 2005. Celui d'Ellen DeGeneres, lui, de 1997. À l'époque, on avait conseillé à Laura Dern de refuser de jouer dans l'épisode, pour ne pas «gâcher sa carrière». Bref, les archives de l'histoire LGBT sont souvent en couleurs et en HD.
Quand Abigail Thorn a débuté Philosophy Tube, elle portrait la barbe et parlait de philosophie d'une voix grave. Puis, il y a deux ans, au cours d'un essai sur les identités, elle est devnue Abigail. Depuis, elle a parlé de l'altruisme des crypto-bro, d'islamophobie et de la violence dans les manifestations, dans des vidéos aussi léchées qu'intéressantes.
Natalie Wynn, alias ContraPoints, est devenue avec le temps une des essayistes les plus réputées sur YouTube. Sa plus récente vidéo, à propos de J.K. Rowling et d'une balado complaisante à son sujet, montre que ce n'est pas à tort.
Jessie Gender aimerait pouvoir ne parler que de Star Trek et de James Gunn, mais l'époque ne lui laisse pas trop le choix, et elle publie plus souvent qu'autrement d'assez loooongs essais à propos des racines facistes du mouvement anti-trans et de l'intensification de la rhétorique transphobe.
Pause légèreté
Greta Gerwig est l’une des cinéastes les plus intéressantes et les plus excitantes en ce moment. Dire qu’on attendait avec impatience son interprétation de l’univers de Barbie est un fucking euphémisme (Caroline ne dormira pas d’ici au 21 juillet). On a eu droit à des photos promos prometteuses, un teaser aguichant mais là, le trailer est sorti et… 10/10, no notes, perfection.
Il nous faudrait une infolettre complète pour analyser chaque seconde de ce travail de génie, mais on va juste déposer ici cette phrase déjà iconique :
La trame sonore (Dua Lipa, Ice Spice, Lizzo entre autres) sera la trame sonore de notre été, et préparez-vous à avoir Barbie Girl d’Aqua dans une délirante reprise de Nicky Minaj et Ice Spice.
Et si vous ne voyez pas le rapport entre ce film et la thématique du mois, vous êtes probablement du genre à aller voir Oppenheimer, qui sort le même jour. C’correct. On va y aller aussi. Entre deux visionnements de Barbie.
Quoi, le capitalisme est rendu woke?
Y’a le greenwashing, ou le fait de faire semblant que ton décapant à bol de toilette à base d’arsenic et de plomb est pas dangereux pour les poissons. Y’a le pinkwashing. Y’a toutes les couleurs de washing, en marketing, faque astheure on est rendu au woke washing, ou le fait d’utiliser le concept de justice sociale pour vendre des cossins faits dans une usine en feu au Bangladesh. L’an passé, on en avait fait une chronique pour le Journal Métro.
Sur Instagram, Matt Bernstein (qui tient l’un des meilleurs comptes en anglais sur les questions queers, avec humour et bienveillance) répertorie les meilleures/pires idées marketing d’arcs-en-ciel capitalistes (la partie 2 ici), Êtes-vous plus comme le bacon dans un Laitue Guacamole Bacon Tomate?
L’autrice et historienne Audrey Millet a donné dernièrement une entrevue à l’occasion de la sortie de son livre, Woke washing. Capitalisme, consumérisme, opportunisme (Éd. Les Pérégrines), et ce livre s’en va directement dans notre pile à lire.
«J’appelle à ce que consommatrices et consommateurs se rendent compte que le woke washing fragilise les luttes écologistes, féministes, LGBT+, antiraciales, de justice sociale, etc.»
La journaliste Parker Molloy a récemment écrit deux textes sur le sujet des entreprises qui se collent aux mouvements queers pour bien paraître. Le message, en gros : si vous décidez d'y aller, stickez à votre décision, peu importe ce que la droite en dit, ou alors fuck off. Les «compromis» comme ceux de Target mettent la communauté en danger.
Et si vous voulez rire pis un peu pleurer en même temps, la spécialiste du marketing Katy Martell a fait une conférence sur le sujet du wokewashing l’année dernière au Web à Québec. Dites-vous que le sandwich LGBT est même pas le pire exemple dans le lot.
Un message d'un grand allié
Il y a sept ans de ça, le prestigieux et classe magazine Summum (on le lit pour les pubs) mettait en couverture une femme trans. La société ne s'est pas écroulée. La droite n'a pas fait de crise du bacon. Un chroniqueur avait alors publié ce texte remarquablement moderne :
«Tout ça prouve à quel point notre conception de la sexualité est une construction sociale. Car, concrètement, cette femme est une vraie femme.
Bon, ce n’est peut-être pas écrit «femme» sur son ADN, mais entre vous et moi, on ne couche pas avec un gène, mon lit n’est pas un stade olympique, je n’ai jamais demandé à mes partenaires de pisser dans une éprouvette pour savoir si elles pouvaient légalement participer à la séance de gymnastique que je leur proposais...
L’été dernier, à la suite d’une opération effectuée aux États-Unis, ma nièce est devenue mon neveu. Il s’est débarrassé de toutes ses photos attestant de son «ancienne» vie, du temps où il s’appelait Katia. Pour lui, Katia est morte.
À l’époque, j’avais trouvé cette réaction violente. Pourquoi tirer ainsi un trait sur son passé? Mais maintenant, je comprends. Il a fait ça pour ne pas que les gens qui le regardent voient autre chose que ce qu’ils voient.
Il ne veut pas être un gars-qui-était-une-fille.
Il veut être un gars, point final.
Qu’on cesse de juger qui il est à la lumière de ce qu’il a déjà été.»
Wow. Merci à toi, chroniqueur progressiste, pour ce beau message. Merci à toi… RICHARD MARTINEAU!?
On dit ça, on dit rien…
C'est-tu vrai que c'est rendu qu'il y a «des trans et des gais partout à la télé et au cinéma», ou ce qu'il y a vraiment, c'est des gens qui capotent d'en avoir vu deux et quart et en parlent 24/7 depuis?
Sont partout, même dans nos livres!
Mes ruptures avec Laura Dean 𓆩♡𓆪 11 brefs essais queers 𓆩♡𓆪 One Last Stop (fr) 𓆩♡𓆪 La fille dans l’écran
Même pu moyen de lire des BD avec des filles sur la couverture sans que ce soit des… lesbi? Mais une quitte son chum, faque est… bi? Quossé ça? Pis après, vous allez nous dire qu’une maison d’édition réputée a publié un recueil d’essais queers qui nous font mieux comprendre des réalités trop souvent cachées et que leur lecture va nous remplir d’émotions? Voyons donc. Pis après quoi, nous faire lire un roman pour jeunes adultes qui met en scène des personnages queers avec une touche de réalisme magique qu’on va dévorer dans notre hamac au son des oiseaux? Une BD qui montre que les relations queers peuvent aussi être toxiques? Ça s’peut pas, passke ça existe pas, des ados homos.
En vrac sans thématique pitché de même merci
Du groove, de la voix pis un Wurlitzer : Alice (projet solo d’une Canailles) a compris c’était quoi, notre vibe, et nous sert la chanson Le vent est de ton bord. Impossible de résister, ça nous prend une décapotable pour écouter ça en flyant sur la route.
As-tu un p’tit peu décroché de Ted Lasso pis ça te fait de la peine? Nous aussi. The Mary Sue explique pourquoi la meilleure série télé contemporaine a pris l’clos.
En préparation de la sortie du nouveau Wes Anderson (ça a floppé à Cannes, ce qui veut dire qu’on va assurément aimer ça), on peut se plonger dans ses films préférés.
Entrevue nichée, mais une Montréalaise a été concurrente à Jeopardy et entre désormais au panthéon des gens dont la culture générale nous paralyse d’admiration.
«Je suis sur les pines 24/7 et je m’en fous» : le titre de ce papier du 24 Heures sur les brassières est fabuleux.
La section «Récit numérique» de Radio-Canada ne cesse de nous impressionner par les sujets abordés et la façon créative de le faire. Cette fois-ci, on visite en BD la restauration d’oeuvres au Musée national des beaux-arts du Québec.
Avoir faim, c’est pas juste pour les ti-vieux qui habitent seuls pis les mères monos (même si ça devrait juste pas arriver) : le ELLE Québec raconte l’histoire d’une jeune professionnelle qui a eu besoin d’aide alimentaire à 30 ans. Aucun tabou.
Je vous aime!
Je tiens juste à vous dire que je vous aime pis merci.