On s'est gratté le cornichon
«JE SENS LE CORNICHON À L'ANETH», nous criait le petit bonhomme sur le ticket, de sa prison de plexiglas derrière la caissière de l'épicerie. Est-ce vrai? La technologie du gratteux est-elle rendue à ce niveau de sophistication olfactive?
On savait déjà Loto-Québec complètement sautée sur le pickle, côté gratteux. À la société d'État responsable des tirages au sort et autres jeux de pile ou face, tout peut devenir une thématique de gratteux : du patin à roulettes à la faune boréale, en passant par le Scrabble toujours rempli de mots qu'on est pas certain.es qu'ils existent pour vrai.
T’es donc ben… *gratte gratte gratte* grattosceptique, toé!
– Caroline, qui enrichit son vocabulaire en s’appauvrissant
Il était sans doute inévitable que les 5 000 singes avec des dactylos pis des calottes de banquier qui trouvent les idées de loteries dans le sous-sol de Loto-Québec arrivent éventuellement à la thématique des cornichons, tout comme ils arriveront inévitablement, un jour ou l'autre, avec «Gastro-duo», un gratteux à thématique d'ulcères gastro-duodénaux. Suffit d'attendre assez longtemps.
Le billet cornichon existe donc, et il affirme sentir l'aneth. Comment dire non?
«Ce sera tout?» répéta la caissière, pour nous sortir du flot de nos pensées. Soucieux.ses de briser le stigmate qui associe les loteries aux couches les moins instruites de la société, nous répondîmes : «Nous allons, chère argentière, remettre notre destin entre les mains de Lady Chance, en adjoignant à nos emplettes un exemplaire de ce billet de loterie à l'effigie d'un broc de zuchettes saumurées. Oui merci, nous prendrons aussi le récépissé.»
Les simples ouvriers grattent des gratteux, pendant que les intellectuels, eux, jouent au baccara, au poker et au pet nat, un jeu qui consiste à payer trop cher pour un mousseux qui a une chance sur deux de goûter dégueu.
– Mathieu, sociologue des jeux de hasard
Et c'est ainsi que commença notre (on l'espère) lente chute dans le monde du jeu compulsif.
Que le grattage commence!
Ah ben. Ça sent l'aneth pour vrai. Pas assez pour empester ta maison ni pour inspirer un chanteur français yé-yé à piquer un refrain à un trompettiste américain pour y plaquer d’insipides paroles de sénnouiche au poulet et de radio, mais juste assez pour que tu te colles le nez dessus en disant «Ah ben. Ça sent l'aneth pour vrai».
Ah ben.
– Mathieu
Ça sent l'aneth pour vrai.
– Caro
Même si on dit toujours que l'argent n'a pas d'odeur, Cornichons nous fait miroiter un potentiel gros lot de 10 000 $, ce qui était pas mal il y a à peine deux ans, mais qui, dans deux autres années, risque bien d'être à peu près le prix d'un pot de pickles pas en spécial.
Pourquoi vous me regardez? C'est pas ma faute, c'est les producteurs de vinaigre qui ont monté leurs prix. Ils nous tiennent en otage!
– Galen Weston, qui prend une pause de compter son astie de grosse pile d'argent pour faire Picsou pitié
Le billet utilise toute l'imagerie habituelle du pickle, mais avec une orthographe assez créative pour donner une violente crise de diarrhée à un Académicien ou à Christian Rioux : le cornich, les crousti, le hambger, les ustsile, la sauciss, sans oublier l'incontournable toque et l'essentielle cloche, pour quand tu manges ton hamburger aux cornich dans un triple étoilé Michelin ou en service de chambre au Marriott.
Tu trouves trois cornich dans la rangée verticale de cqcts dollars? Tu gagnes cqcts dollars. Tu découvres trois crousti dans la rangée horizontale de dxctqte? Tu remportes dxctqte beaux bidous. En tout cas, on espère que c'est ça, parce qu'on ne sait ben pas ce qu'on ferait avec 10 000 piasses de toques de chef, à part essayer de les revendre au noir dans la ruelle derrière l'ITHQ.
Faaaaaaque, tu me confirmes que c’est du bon stock? *renifle, regarde nerveusement des deux bords de la ruelle* Si c’est du bon stock, chus preneur.
– Pasquale Vari avec des lunettes avec une fausse moustache
Ce qu'on aurait fait avec dix mille piasses
On est d’avis que les gens déjà riches ont pas besoin de cash et qu’ils ont absolument zéro imagination et aucun goût en déco. Non mais avez-vous déjà vu une maison de riches? C’est laitte en tabarslak, y’a toujours juste comme un piano en cristal seul en plein milieu d’une pièce, une salle des statues pis de la tapisserie au plafond, si on se fie à toutes les maisons qu’on stalke sur Remax en mangeant notre Gattuso du Dollorama.
Nous, si on avait gagné 10 000 piasses, on en aurait eu en masse des idées pour le dépenser. On en aurait eu pour au moins 15 fois 10 000! Ce qui fait genre… au moins 12 000, si c’est pas plus! (Eille, on a à deux un bac en flûte à bec pis un bac en Réjean Ducharme, faut pas trop demander.)
Voici ce à quoi on a rêvé, les yeux fermés, en sniffant l'aneth…
→ On aurait loué 5 apparts montréalais pour 1 mois.
→ On aurait loué 1 studio dans un demi-sous-sol avec une bécosse dans la cour et ben de la moisissure décorative dans HOMA pour 5 mois.
→ On serait parti.es dans le sud en amenant 3 de nos ami.es, mais en demandant à tous.tes nos ami.es de se battre pour nous prouver leur amitié pis mériter leur place les fesses dans le sable à se convaincre que c’est comme ça qu’on aide les populations locales à développer leur économie.
→ On aurait réuni Les Respectables pour un gros party de 40 ans de Caroline.
→ Parce qu’il aurait resté ben de l’argent après avoir payé le cachet des Respectables, on aurait réuni aussi Yelo Molo, Infini-T, Vénus 3 pis Lili Fatale pis on aurait organisé un OFF Osheaga dans la ruelle.
→ On l'aurait mis dans un REER, parce que se faire croire pendant quelques instants qu'on va un jour prendre notre retraite, plutôt que de travailler jusqu'à 98 ans avant de mourir parce que notre air climatisé a arrêté de fonctionner cinq minutes durant la désormais traditionnelle canicule du mois de février, ça vaut bien plus que 10 000 $.
→ On aurait acheté 5 000 autres billets de Cornichons. Avec 1 chance sur 3,5 de gagner un lot, ça nous fait au moins 1 428 billets rapportant 2 $, 5 $, 10 $ ou 25 $. On aurait réinvesti cet argent dans de nouveaux billets, pour arriver à un total, mettons, de 8 000 billets. Avec tout ça, nos chances de gagner à nouveau 10 000 $ sont rendues à 1 chance sur 42. On peut quasiment pas perdre! Mais surtout, on aurait accumulé une pas pire montagne de rognures de gratteux qui sentent l'aneth. De quoi aromatiser nos pickles maison pour le reste de nos jours. C'est-tu ça, «Gagnants à vie»?
Ce qu'on a fait pour vrai avec notre prix
Quand tu ouvres un pot de cornichons, tu gagnes à coup sûr. Le gros lot est un délicieux cornichon, dépense pas toutte ça à la même place.
Mais quand tu grattes un Cornichons, des fois tu gagnes, et crissement souvent tu perds. On a perdu. On pourrait bien se dire que, nationalisation des loteries aidant, on fait gagner toute la société en donnant deux huards en échange d'un peu du rêve d'échapper à nos petites vies, mais on sait aussi que cet argent va être géré par la CAQ. Faque tsé…
Ce billet, qui devait être notre passeport vers une nouvelle vie remplie de luxe, de on regarde pas à la dépense et autres excentricités n'est plus qu'un vulgaire morceau de carton sans valeur. La tentation est forte de retourner à l'épicerie pour brasser à nouveaux les dés de la destinée, mais on a vu trop de gens tomber dans l'enfer du jeu compulsif. On pense à Hugo, notre chum de gars qui joue constamment à Catan, et avec qui c'est impossible de passer une soirée sans qu'il propose de sortir Codenames, L’Osti de jeu ou La patate à vélo. Tranquillement, on l'a vu s'isoler. Ben… en fait,c'est nous autres qui avons arrêté d'aller le voir, parce que passer deux heures à se faire expliquer les règles d'une version trop évoluée de Serpents et échelles avec des dés à vingt-huit faces pis des extensions, c'est pas notre trip. Bref, les problèmes de jeu, on niaise pas avec ça.
Adieu, Loto-Québec. On se reverra quand tu sortiras un billet où on gratte des rôtis de porc (rtidprc) pour découvrir des gousses d'ail (gssesdil) pis de la macédoine de légumes (macdoin) ou de quoi de même. Et si on peut se permettre une suggestion : pourquoi pas un billet qui se liche?
***
On rit on rit (ben, surtout toé après nous avoir lu.es), mais si le jeu te fait pu rire tant que ça pis que ça va pas, ou qu’une personne proche de toi joue pu pour le fun, y’a de l’aide pis c’est pas honteux d’en demander.
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