On a bu un Monster d'une traite pis on voit pas c'est quoi le deal ça fait même pas effet à part le shake les sueurs les palpitations la paranoïa y’a comme rien qui se passe y’a rien là un Monster
On est sur 473 ml de cocaïne liquide pure.
Êtes-vous prêt·es pour la rentrée? D’attaque pour une autre année scolaire, un autre automne suivi d’un autre hiver suivi d’un printemps avec des températures fuckées et des incendies de forêt causés par le froid parce que rendu là, pourquoi pas? Ready pour 180 lunchs-qui-vont-revenir-aux-¾-pas-mangés x le nombre de fois que vous vous êtes reproduit·es? Prêt·es pour un autre dix mois avant de ravoir le droit de respirer plus que trois jours d’affilée?
…
Ben là… Répondez pas tous·tes en même temps. Êtes-vous OK? Vous êtes cerné·es comme Gino Chouinard qui se serait couché passé 19 h un mercredi.
C’est pas facile, la fin de l’été. On comprend ça. Nous-mêmes, on a le niveau d’énergie du Minion fatigué que notre oncle a envoyé dans la conversation Messenger familiale quand il est revenu de sa fin de semaine de ponton à Valleyfield.
Faque pour réussir à se rendre de l’autre côté de la fête du Travail (qu’on a célèbré, comme il se doit, en travaillant sur ce texte), on avait besoin de ketchose qui nous remettrait du pep dans le crayon pis de la mine dans le soulier, ou de quoi de mêgne. Bref, on a choisi une boisson énergétique de dépanneur.
Mais pas n’importe laquelle. On y est allé·es pour l’OG boisson énergétique, celle qui est là depuis tellement longtemps qu’elle commence à avoir l’air du gars de 35 ans qui se tient encore dans les partys d’initiation d’université pis qui fait un peu trop de dabs après chacun de ses shooters de Jäger :
MØNSTER ENERGY
(avec une barre dans le O pis une police d’écriture que tu peux juste trouver belle après trois cannettes de Monster)
Y’a pas mal de choix, côté saveurs. Y’en a aux baies, à la mangue, mais il y a aussi toutes sortes de saveurs de type «odeurs de déodorants pour hommes», qui décrivent plus un feeling qu’un arôme, comme Khaotic, Ultra Gold, Ultra Sunrise ou Energy Assault. C’est aussi le genre de produit tellement eXtreme avec un x majuscule au milieu du mot qu’il essaie de hyper toutes les saveurs, y compris celle du fruit qui a carrément «eau» dans son nom.
C’était notre première expérience Monster, alors on y est allé·es avec la saveur originale : celle… euh… cannette noire? C’est écrit en haut de la cannette «Taurine+Inositol+Guarana», mais ça peut pas être ça. On dirait plus une prescription pour soigner l’eczéma entre les orteils qu’une saveur.
Appliquez la Taurine deux fois par jour, l’Inositol c’est une capsule matin et soir avec les repas, et le Garana, c’est si jamais le pus change de couleur.
– Notre médecin
La première gorgée nous a vraiment surpris·es. Pris·es d’un grand questionnement, nous nous sommes saisi·es de la cannette afin d’éclaircir le mystère : c’est-tu un concentré qu’on était supposé·es diluer dans trois ou quatre litres d’eau pour faire un pichet de Monster pour toute la famille? Calvinus que c’est sucrééééééé. C’est quasiment sirupeux. Ça nous rappelle, dans notre jeunesse, quand on mangeait le concentré de jus d’orange congelé direct dans la canne, comme une slush. Sauf qu’on n’est plus jeunes, justement, et on est pas certain·es qu’on survivrait à un tel exercice aujourd’hui.
Lire la cannette nous aura permis de découvrir que hey!, c’est quand même santé cette affaire-là! 220 % de ta portion quotidienne de vitamine B6. 210 % de ta riboflavine recommandée. 170 % de ta niacine. C’est pas une barquette de kale qui pourrait en dire autant!
Ne restait plus, comme après 2 grammes de mush, un buvard de LSD ou un album de Francine Raymond, à attendre que ça embarque.
Exactement comme les différentes étapes du deuil, le Monster nous fait passer par toute une gamme de sensations physiques et psychiques, incluant le deuil d’une nuit de sommeil réparatrice pour les 6 prochains jours. On a commencé par le déni (non, on n’a pas eu cette idée de marde), puis la colère (voyons on est ben caves d’avoir bu ça), ensuite la tristesse (on a perdu 4 $ pour ça), puis l’acceptation (on va devoir accepter qu’on s’enligne pour une solide soirée).
Nous vous présentons donc, tels que vécus en temps réel, les 7 stades de la consommation d’un Monster.
Stade 1 : bien alertes, avec un soupçon d’overstimulation
On n’a pas étudié depuis plus de 15 ans pis on s’endort après 3 pages d’un roman, mais on feele comme si on s’rait capables d’apprendre par cœur assez de chapitres pour scorer haut à un examen sur les structures de la société féodale aux IXe-XIIIe siècles demain matin.
Amenez-en de la jachère et de la rotation des cultures!
– Mathieu, toujours prêt à flasher les deux affaires qu’il a retenues de son cours d’histoire secondaire 2Droit de cuissage, euhiheuhiheuhiheuhuhuhuhuh.
– Notre oncle qui aurait pu rester sur son ponton à Valleyfield
Stade 2 : on alterne entre hyperfixation pis faire du parkour dans le salon
On a entrepris de compter le nombre de poils sur le dos de notre chat, pis rendu·es à ses omoplates (11 649), on s’est servi·es des coussins du divan pour jouer que le sol c’est d’la lave. Le plus dur, ça va être de passer du fauteuil au top de l’îlot de cuisine!
Stade 3 : soit on a des palpitations, soit notre perception accélérée de la réalité nous donne l’impression que notre cœur bat plus rapidement
Histoire d’accompagner le beat de drum de notre cardio, on se part un petit album d’Aphex Twin. Excellent choix musical, monsieur le DJ! Notre mood actuel est EXACTEMENT celui de Omgyjya-Switch7!
C’est vraiment relaxant. Si on n’était pas en train de décaper le plancher du couloir pour s’occuper un peu les mains, on prendrait un petit bain moussant.
Le guarana fait crissement la job. On s’était pas senti·es zen de même depuis que la Ville de Montréal a envoyé 22 alertes en 5 minutes pour tester le système d’alerte. Ça ferait d’ailleurs du bon ASMR pour s’endormir, ça!
M’as me partir une tite playlist pour faire une sieste les yeux ouverts.
– Caroline, qui n’a pas cligné des yeux depuis le début de ce texte
STADE 4 : C’TU L’APPART QUI BOUGE TU-SEUL OU NOS YEUX QUI REGARDENT DEUX FOIS TROP VITE?
LA TAURINE VIENT D’EMBARQUER PIS ON A DES SUPERPOUVOIRS! ON N’A JAMAIS AUTANT VU DE MÊME, ON VOIT TOUTTE, ON PEUT REGARDER DEUX ZAFFAIRES EN MÊME TEMPS PIS ÇA NOUS DONNE À PEINE MAL AU CŒUR.
STADE 5 : ON A RÉGLÉ NOTRE SUCCESSION, ÉCOUTÉ TOUT DISTRICT 31 À FAST-FORWARD PIS TRIÉ L’ARMOIRE À TUPPERWARES DU VOISIN, ON EST EFFICACES EN TA!
As-tu besoin d’aide pour te construire un chalet tondre ton gazon démonter un Bœing 747 avec une clé Allen courir un demi-marathon parce qu’un marathon au complet c’est juste trop plate pis on n’a pas la patience pour ça anyway on n’a pas le temps faut qu’on démonte un Bœing 747 avec un clé Allen on t’a-tu parlé de ça c’est notre nouveau projet on est ben emballé·es hey as-tu besoin d’aide pour quelque chose comme faire ta vaisselle même celle qui est pas sale faire tomber un mur chez vous casser la yeule du gars qui t’intimidait en 5e année avec Facebook ce sera pas trop dur de retracer où il vit maintenant à moins que tu lui pardonnes pis qu’on lui demande son aide pour démonter un Bœing 747 avec une clé Allen c’est notre projet ces temps-ci on t’a-tu parlé de ça nevermind on l’a retrouvé y’avait juste deux Charles-Étienne Prévost-Gervais sur Facebook pis on vient de les inviter les deux à souper y s’en viennent on va s’faire des saucisses sur le barbecue t’as pas de barbecue c’pas grave on vient de voler des bonbonnes de propane au Canac en Bixi on va les ploguer après ton toaster sur ton balcon inquiète-toi pas pour ton basilic pis ton plant de tomates cerises on va mettre le toaster loin pis sur le côté c’est super sécuritaire atapeu faut qu’on rappelle les deux Charles-Étienne on a oublié de leur dire d’amener leur clé Allen.
STADE 6 : NOS VEINES CAVES POMPENT SUR LE BEAT DU PSYTRANCE PIS NOS VESSIES PÈSENT 10 LIVRES, Y’É TEMPS QU’ON AILLE PISSER, MAIS AVANT, ON VA ALLER FAIRE 3-4 FOIS LE TOUR DU BLOC POUR BRÛLER UN PEU DE GAZ
On réalise qu’au fond, l’Univers, nous, les gens autour, les arbres, les fourmis, les nuages, on est tous·tes une seule et même entité. Un seul esprit. Un seul gros paquet de stress universel. Une âme reliée par le pouvoir de la caféine, du guarana et d'un design vraiment très nineties pour un produit inventé en 2002.
Notre ego disparaît tranquillement, noyé par le beat de notre propre cœur, le shake de nos propres mains et l’envie de chier de notre propre colon. Monster… Monster… Qui est le vrai monstre, au fond? Est-ce nous, la boisson, ou le capitalisme qui nous force à être productif·ves tous les jours sur un 6 heures de sommeil même pas en ligne?
Nos yeux se ferment. Notre esprit vire doucement au noir. On espère que c’est le sommeil du crash qui vient après le rush de caféine, mais ça se pourrait aussi qu’on soit en train de faire un anévrisme.
Stade 7 : on a pissé pendant 18 minutes, ce qui nous a donné le temps de regretter nos choix de vie, juste avant de se mettre à dissocier, quelques carreaux de pq à la main
Quand nos cœurs ont fini par reprendre un rythme quasi normal (moins électro hardcore, plus eurodance 1992) pis qu’on est revenu·es à la réalité, on avait le tour du siège de la bol imprimé à jamais dans l’arrière de nos cuisses, le couloir était à moitié décapé, on était soudainement inscrit·es au bac en histoire à l’Université Laval, notre divan était tout défoncé pis notre voisin cognait à la porte depuis 10 minutes en criant qu’il veut ravoir les couvercles de ses Tupperware.
On a appris notre leçon. Les prochaines fois, on va s’en tenir aux drogues plus douces, comme les méthamphétamines, la MDMA et les jujubes surettes.