On a mangé au nouveau Zellers avant vous
Toutes ces années de traînage dans les 5 à 7 les plus branchés de la métropole, de couverture plus qu’assidue (un faible mot!) de l’actualité culinaire montréalaise et de nominations dans de prestigieux galas de journalisme (tellement exclusifs que vous sauriez même pas c’est quoi même si on vous le disait) nous ont enfin ouvert les portes tant attendues : celles du nouveau Zellers.
Bien connecté.es comme on l’est (autant auprès de firmes de PR qu’après la plogue de cell à côté de notre litte), on a eu l’exclusivité du scoop en primeur d’une visite VIP du renouveau zellersien avant même que Patricia Paquin et la gang de Flash aient le droit de s'y pointer. Avouez que présentement, vous faites comme Marc Lavoine pis vous vivez en jalousie, un drôle de pays entre le soleil et le gris!
Au cas où vous auriez manqué tout ça, voici en bref : les magasins Zellers, disparus du Québec depuis une décennie, sont de retour. Pis le monde est ben ben ben énervé de ça, parce que c'est chez Zellers qu'on trouvait les meilleurs… heu… les plus beaux… heu… le plus à la mode des… heu… parce que c'est là que nos parents allaient magasiner quand on était jeunes, et on n'a pas encore compris que ça voulait dire qu'on était encore plus pauvre qu'on le réalisait. Nostalgie!
Mais là, ne vous attendez pas à voir de grands magasins avec le super design et pas du tout passé date logo sur la devanture. Le nouveau Zellers sera en fait une série de «microboutiques» dans quelques magasins La Baie (qui sont, eux, des… macroboutiques?).
Notre concept est de ramener Distribution aux consommateurs, sous la forme de nanoboutiques qu'on trouverait dans la microboutique Zellers qui est dans le La Baie.
– Mathieu, qui prépare son pitch pour les Dragons
Notre idée est de ressuciter Steinberg et d'en faire une picoboutique dans la nanoboutique Distribution aux consommateurs, dans la microboutique Zellers dans le La Baie.
– Caroline, qui demande 1,4 million pour 10% de la compagnie
Mon plan est que j’vous donne vingt piasses chacun pis vous macro-sacrez votre camp du plateau.
– Christiane Germain, queen de la négo
Ce comeback au détail serait incomplet sans ce qui donne sa raison d’être, son âme au Zellers : l’ours Zeddy. Combien d’enfants se sont endormi.es dans leur chambre de demi-sous-sol dans Hochelaga, serrant contre leur coeur un toutou défraîchi à son effigie? C’est aussi l’occasion pour l’emblématique ursidé de donner un second souffle à sa carrière, après quelques années passées à naviguer d’un petit rôle à l’autre (doublure de Yogi Bear dans des fêtes d’enfants, figurant d’arrière-plan dans des documentaires animaliers d’étudiant.es en cinéma, peau en location à emprunter pour séjour romantique devant un feu au chalet).
Zeddy. Il s'appelle Zeddy. C'est mon seul ami. C'est un ourson pas comme les autres…
– Zéline Dion
Pis tant qu'à être parti.es, iels ont décidé de ramener le restaurant du Zellers, parce que c’était assurément le meilleur souvenir de toute l’expérience d’aller pousser un caddie de pauvre dans des allées de produits de pauvres parmi les autres pauvres. Le monde est ex-ci-té. À en croire les réactions en ligne, on y mangeait des délices dignes des plus grands restaurants, comme si Jean-Luc Boulay servait des grilled cheese à l'argousier.
Mais attention : tout comme le magasin lui-même, le restaurant n'est pas de retour sous la même forme. On cite un article de Noovo juste un brin trop enthousiaste, qui donne l’impression d’une manifestation de camions de rue à l’échelle de la province :
Des food trucks! Parfait pour tous.tes celleux qui aimaient aller au Zellers, mais se disaient aussi «me semble ce serait le fun de se sentir comme à Osheaga, à manger deboutte dans un petit plat en cartron avec une fourchette en plastique parmi les effluves de cigarette poussés par des monsieurs moustachus avec des casquettes des Expos».
C'est donc dans le parking vide d'un centre d'achats de Ville d'Anjou que l'on a eu la chance de goûter les plats du Zellers, directement dans la valise d'un pickup d'un gars qui nous a assuré être «Steve Zellers, le boss de toute ça». C'était tellement VIP, y’a fallu montrer notre carte du Club Z pour rentrer. Heureusement qu’on l’avait conservée dans notre portefeuille Lisa Frank, juste à côté de notre carte du Super Club Vidéotron pis de nos timbres du Subway.
La première déception, c’est qu’on n’a pas pu s’assoir sur une chaise beige vissée après une table au top en formica qui tournait qu’on pouvait swingner de gauche à droite jusqu’à se donner mal au coeur pis se faire avertir par notre mère. Parce que c’est Zellers en 2023, le décor a été «actualisé» par une firme de designers du Mile-End. On remarque au premier coup d’oeil tout le soin apporté à réinterpréter l’iconique palette de deux couleurs, soit l’emblématique Alerte au flirt P150-7 et le doux Blanc murmure HDC-MD-08 (on a demandé les codes de couleurs de peinture à la designer sur place qu’on a pu interviewer, on a l’intention de repeindre notre cuisine dans les mêmes tons).
Là, on vous le dit parce qu’on est entre nous pis qu’on sait que vous allez pas ébruiter la rumeur, mais Zellers a demandé en secret à de grands chefs montréalais de réinventer chaque plat. On a confié le hamburger Grand Z à Antonin Mousseau-Rivard, le sandwich au fromage fondu à Normand Laprise, les bâtonnets de poulet à Loounie pis le frite sauce à Fisun Ercan.
Après mûre réflexion et méticuleuse recherche de hashtags sur TikTok pour voir ce qui trenderait le plus comme choix alimentaire et autour duquel on pourrait improviser une danse virale de stationnement d’ex magasin pu en faillite, on a opté pour whatever que la firme de relations publiques embauchée pour créer un fake buzz allait nous donner gratisse.
On s’est ramassé.es avec deux steamés relish-chou-moutarde pis un nionnenionneringne avec un ti cup de miel chinois su’l side.
Bref, avec des affaires qu’on mange pas du tout jamais qu’on a pas mangées depuis au moins mille neuf cent quatre-vingt… avant-hier. Parlez-nous de ça, la nostalgie d’un menu qu’on trouve à tous les coins de rue sur Sainte-Catherine pis dans n’importe quel village de plus de quatre habitants.
Dès la première bouchée, nous tombons en transe, et notre esprit part faire un tour de ce manège qu'on trouvait dans l'entrée des antiques Zellers :
Quel est donc ce goût? Sucré? Non. Salé? Oui, mais ce n'est pas ça non plus. Ça goûte… maman. Qui nous tient la main en marchant trop vite pour nos petites jambes. Ça goûte la petite panique de ne plus la trouver entre les racks de manteaux cheaps et les étagères de produits pas faits pour durer. Ça goûte l'époque simple du temps où ce qu'on voulait vraiment, c'était pas de vivre sans avoir peur de se faire rénovicter, c'était un nouvel étui à crayons pis des feutres des Amis Ratons qui changeaient de couleur avec le crayon blanc magique.
Puis, parce que rien ne dure éternellement, le tour de Spinny Zeddy de nos papilles se termine. Et tout devient clair : faut vraiment vivre une époque de schnoutte de marde pour que le retour d'un magasin à rabais, là où on achetait nos pétalons de coton ouaté de cours de gym et d'autres cossins sans importance, soit une telle source d'excitation collective et de joie retrouvée.
Quand ce qui arrive de mieux dans les nouvelles, c'est la résurrection du plus triste des Jésus du commerce de détail, c'est tentant de plonger dans le souvenir et le «OMG! C'est une marque de quand j'étais pas vieux et aigri!». On tente de s'étourdir en remettant à répétition des 25 cennes dans le Zeddy tournant, mais c'est un buzz qui ne dure qu'un instant.
C'est bien le fun, être nostalgique, mais ça ne change pas la réalité d'aujourd'hui : le hot chicken de la vie, il est fait avec du pain mouillé.