Craquère Jacqueline à l’attaque du patriarcat sportif sucré
Le popcorn Cracker Jack a peut-être été inventé il y a 130 ans (et goûte ça), mais il est capable d’être moderne. Ou plutôt… ELLE est capable.
On sait pas si vous avez remarqué ou si vous préférez ignorer le monde extérieur (sage décision), mais entre deux nouvelles internationales de marde, depuis quelque temps, il y a beaucoup de gens qui trippent soudainement sur le sport féminin.
Oh, avant, ces gens-là disaient que le hockey féminin aurait dû rester de la ringuette pis riaient quand les joueuses de soccer militaient pour être payées autant que l’équipe masculine. À part le volleyball de plage, ça regardait pas grand-chose de féminin aux Olympiques, sauf quand l’équipe de hockey s’est mise à gagner à Pékin avec le budget d’un seul joueur de troisième trio de la LNH pendant que son pendant masculin se faisait torcher de tout le podium par la Finlande, la Slovaquie pis de-quoi-qui-était-même-pas-la-Russie.
Mais en ce moment, oh lala, c’est rendu suuuuuuuper important de protéger le sport féminin.
Le protéger contre quoi? Si on avait été en 2013, ça aurait été contre le hijab ou un quelconque signe religieux non catho (la burqa donne-t-elle un avantage indu quand vient le temps de kicker le ballon avec sa tête?), mais là on est en 2023, pis la drette s’est trouvé un nouveau punching bag. Il faut donc protéger le sport féminin contre une imminente invasion de personnes trans.
Mes pronoms sont fuck/you!
— L’humoriste de drette, se pensant bien original, au moins autant que les 937 humoristes de drette qui ont fait la même joke juste cette semaine déjà en se pensant bien originaux, après une «blague» originale dont le «punch» c’est qu’ils s’identifient comme un hélicoptère, un dauphin ou un pomme de laitue iceberg
Il faut comprendre que les personnes trans dans le sport, c’est comme les films avec Toby le chien. Y’a rien dans les règlements qui interdit à un chien de jouer au basketball, alors, ergo, il n’y a rien qui empêcherait Gérald, 48 ans, camionneur de la libarté, 7 pieds 9 pouces, 275 livres, d’enfiler un léotard, de dire qu’il est une femme et d’aller plaquer des petites filles dans la bande à la compétition de gymnastique rythmique de l’école primaire du coin.1
Devant le torrent de haine que déclenche tout ce qui touche de près ou de loin ou de super loin ou de juste-y-frôler-le-coude-par-erreur-en-voulant-passer-derrière les personnes trans, on ne peut qu’admirer Frito-Lay, maison mère de la marque Cracker Jack, pour son dernier move marketing inclusif et féministe : changer Cracker Jack en Cracker Jill.
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, parce que la dernière fois que quelqu’un a eu une rage de Cracker Jack et en a acheté volontairement pis pas juste par dépit, la télé était encore un médium pertinent, mais en 2023, ce n’est plus le traditionnel matelot qui orne le paquet, mais bien une matelote prénommée Jill.
Et dans le coin droit (pis c’est pour ça que notre longue intro a rapport, vous allez voir), il est écrit «Célébrons les Canadiennes du monde des sports!».
Nous, on connaît pas ça ben ben, le sport. La dernière game de baseball qu’on a regardée au complet, c’était le film Une ligue en jupon. Nous, notre sport préféré, c’est de voir des mascus se péter des veines du front en rageant parce que Megan Rapinoe et son équipe gagnent des trophées. On est chanceux·ses, y se filment de vraiment proche dans leur char pendant qu’y l’échappent en postillonnant dans le ouinnedchire, ce qui nous donne l’opportunité de regarder au ralenti et à volonté le moment où leur veine frontale émerge comme un ver des sables dans Dune (la version de 1984 sivouplâ).
Malgré les lacunes évidentes dans notre culture sportive, au-delà de la meilleure façon de gagner au ballon-chasseur (en restant à la maison) et de notre faculté à identifier aisément un ballon de basket d’un ballon de kin-ball (indice : l’un est rose), on s’intéresse quand même un peu à l’actualité même si elle parle de sport. Par exemple, on a retenu que Posh Spice est mariée à quelqu’un de sportif, pis que Michael Phelps est le Simone Biles de la natation à grands bras.
C’est pourquoi on est quand même partant·es pour encourager une compagnie qui est partante pour encourager de courageuses sportives. Alors go, lanceuses de marteau! Allez-y, les lutteuses gréco-romaines! Lâchez pas, les boulingrineuses!
Sport! Sport! Sport!
— Les Vas-tu, champion·nes de l’encouragement générique
Cela dit, ne vous attendez pas à trouver du popcorn rose ou de quoi de même dans le sac. Que ce soit Jill, Jack ou Jeannine, c’est exactement le même produit à l’intérieur, et ça, c’est tellement une belle métaphore involontaire de la transidentité qu’on en a quasiment la larme aux yeux (on est deux, donc un œil chaque).
Si vous n’avez pas visité grand-pôpô ou grand-mômô dans un CHSLD près de chez vous ces derniers temps (vous devriez, quand même, mais si possible avant le souper à 4 heures), qui vous en aurait offert tout pogné en pain dans un vase en cristal pinwheel, y’a de fortes chances que vous n’ayez pas consommé de Cracker Jack depuis *checkent leur calendrier* la séparation des Beatles. On va donc sacrifier le peu de plombages qu’il nous reste encore dans la bouche après presque 10 ans de ce blogue pour en manger pis vous en parler.
Le Cracker Jill/Jack/Jocelyn se définit comme un mélange de maïs soufflé au caramel et de noix. Mais pas beaucoup de noix. Yienque un peu de pinottes. Encore habillées de leur tite peau brune de pinottes. Et comme elles sont plus lourdes que le maïs, tu vas les découvrir juste à la fin de ton lunch, quand tu vas verser les grenailles du fond du sac dans ta main en pensant t’enfiler une dernière bouchée de miettes de popcorn sucré mais que finalement c’est une pleine poignée de surprenantes pinottes inattendues.
Les Cracker Jack ont été inventés en 1893, par F. W. Rueckheim. Et quand on en mange une poignée, on se dit : «Tiens, voici quelque chose qui a clairement été inventé en 1893, par quelqu’un avec un nom du genre F. W. Rueckheim.» Probablement que F. W., c’était pour Fulcrand Wandrille, ou deux autres prénoms de l’ancien temps qui vont revenir à la mode grâce à un bébé né de participants à OD.
Y’a personne, en notre ère moderne, qui penserait concevoir un snack brun pis yienque brun et qui n’a qu’un seul goût : «chucré» (à dire avec les dents pognées ensemble). De nos jours, faut que ce soit surette, sucré, salé et au fromage tout en même temps, sinon à quoi bon se faire aller les mâchoires y’a pu rien qui nous excite si ça vient pas dans un emballage multicolore avec le mot bold en bold. Goûter rien qu’une affaire, c’est fucking inutile. Pourquoi on mangerait quelque chose si c’est pas pour que nos papilles aient constamment l’impression d’être surstimulées pis que notre cortex gustatif soit 24h/7j en mode rave?
Les Jill Craquantes, c’est bon. Ça crounche. Ça goûte le caramel avec juste ce qu’il faut d’évocation de goût salé-brûlé de popcorn caramélisé de foire de fin d’été avec une grande roue, des jeux d’adresse truqués pis des ados malades dans une poubelle après un killer combo barbe à papa/hot-dog/Zipper. T’es content·e quand tu pognes des pinottes en plus, l’équivalent crackerjackien (jacquelinecrackien?) d’un cinq piasses dans un manteau à l’automne ou d’un kleenex avec un coin inutilisé en saison grippale.
C’est bon, donc. Mais ça a aussi un goût qui a totalement cessé d’exister quelque part après la Première Guerre mondiale.
Un goût qui avait encore rapport quand cette photo a été prise :
De quossé, cette photo? C’est Kathrine Switzer, qui court le marathon de Boston en 1967. Elle s’y était inscrite en mettant seulement ses initiales, parce que les femmes n’y étaient pas encore admises, vu que la seule chose que les femmes pouvaient décemment courir à l’époque, c’est les soldes chez Woolworth. Elle l’a couru quand même, mais elle a dû se battre avec un monsieur fâwché fâwché qui a tenté de lui arracher son dossard.
Si jamais vous me voyez en train de courir un marathon, vous avez absolument le droit d’utiliser la force pour me sortir de là. C’est un appel à l’aide.
— Mathieu, champion du 50 mètres essoufflés
Il aura fallu cinq ans de plus avant que le marathon de Boston n’accroche une pancarte «Bienvenue aux dames». Que voulez-vous, il fallait prendre le temps de consulter des spécialistes afin de s’assurer que les ovaires te tombent pas de la fourche si tu cours trop longtemps.
Plop plop!
— Caroline, courant à contre-courant des recommandations d’un médecin en 1968
Manger des Cracker Jill/Jack, c’est donc un retour dans le passé, mais sans la partie chiante, un peu comme quand tu enfiles un costume de la Renaissance tout en ayant le droit de vote. À une époque où on dirait que le passé s’entête à revenir de la pire façon ever (des nazis, des homophobes, des conservateurs, des racistes, des génocides, les Jonas Brothers), ça fait du bien. (Sérieux, fuck you, Joe Jonas.)
La question des personnes trans dans le sport est parfois simple, parfois complexe. Ça dépend des sports et ça dépend d’à quel point les règles de départ étaient niaiseuses. Mais, en gros, on pourrait vous dire de vous méfier de quiconque base toute sa réflexion sur l’idée que n’importe quel gars peut de facto battre n’importe quelle femme dans n’importe quel sport et que les athlètes femmes trans sont yienque trans parce qu’y gagnaient pas en affrontant des hommes.