On n’apprivoise pas le goudron sauvage
On microdose l’hiver en sirotant des sloches du Couche-Tard.
Pis comment ça se passe, votre été, vous? Nous, on a envoyé les enfants au camp de jour Les Petits Caquistes, où y’a des semaines thématiques : bricolage (où on t’apprend à flipper une cabane dans les arbres pour la revendre 10 fois plus cher), jeunes entrepreneurs (où tu te pars un kiosque de limonade pis que ce sont les enfants du groupe de francisation qui pressent tous les citrons sans être payés), Minicolet (l’école des petites polices à vélo, ACAB = all cops are sur un bmx) et improvisation (où on prépare les ministres de l’Éducation de demain). Vous dire comment les enfants ont trippé avec leurs moniteurs et monitrices! Y’ont tellement des noms rigolos, en plus : Duranceaugrenu, Bloc Legault, Jolin-Barrette à cheveux pis Bernard Drainville!
Pis à la fin d’une longue semaine de camp, quand la chaleur de l’été nous écrase, il n’y a rien de mieux que de faire les frais sué·es et de se délecter d’une bonne glace artisanale, en disant «Oh, ma/mon chéri·e, as-tu vu? La saveur du mois aux Givrés, c’est vanille de Madagascar, mangue du Québec et piment d’espelette. Vite! Allons encourager le maître glacier1.»
Voulant initier nos progénitures aux bonnes choses de la vie, nous les traînames dans la charmante petite boutique. Mais, et on ne comprend pas pourquoi, les enfants n’ont pas terminé leur crème molle au lait de chèvre avec des sprinkles roulés à la main individuellement et aux saveurs boréales (myrique baumier, comptonie voyageuse et fromage en crottes).
Faque on les a amené·es boire leur propre poids en sloche du Couche-Tard. Mais tsé, tant qu’à être là… pis tant qu’à payer… pis tant qu’à se chercher des excuses… on en a pris nous aussi!
Ce qu’on a bu, dans une paille grosse comme un tronc d’arbre
Surfant sur la vague inépuisable de la nostalgie des années 2000, véritable tsunami culturel qui engloutit tout sur son passage pour ne laisser que des jeans Parasuco taille basse et de l’ombre à paupières mauve dans son sillon, Sloche ramène des saveurs emblématiques de ses belles années de pubs dégueu, comme Goudron sauvage et Swompe.
Parce que 1) nous n’avons pas froid aux yeux, 2) fait chaud en tabarslac (ce qui explique le premier point), 3) on résiste mal au concept de ramener de vieilles affaires pour un temps limité2, on s’est donc chacun·e versé une belle grosse portion de barbotine avec l’espoir de rentabiliser notre mal de tête de sucre et de froid en vous vendant un texte estival.
La Swompe, verte, est à saveur de fraise. C’est ce que ça dit sur la distributrice. Aurait-on pu le deviner dans un test à l’aveugle de L’épicerie? Pas sûr. Quant à Goudron sauvage, elle est à la limonade. Aurait-on pu le l’identifier si on nous avait mis un gun sur la tempe? Pas plus certain·es, mais on trouve l’idée étrangement thrillante3.
C’est ça qui arrive quand on vit à répétition des événements historiques sans précédent, on finit par avoir le stress un peu émoussé.
—Caroline et Mathieu, millénariaux blasés à la recherche d’un high d’adrénaline
Pareil comme Tom Cruise dans Cocktail, mais en gadoue
Cela dit, on est bien caves d’avoir pris une seule saveur à la fois, parce que chez Couche-Tard, l’équipe marketing est dans un trip de mixologie bien intense. Y’appellent ça faire des «twists».
Ça donne cette sloche pour amoureux, qui va forcer ton ou ta ou tes dulciné·es (on est modernes!) à récupérer une bague en bonbon toute collante au fond du verre, comme prélude peut-être à la pire demande en mariage de tous les temps, à part celle sur un jumbotron pendant une partie de baseball que finalement la fille a veut pas, devant tout le monde pis c’est ben malaisant.
Twist and sloche!
(Twist and sloche!)
Enweille enweille enweille bébé, là (enweille bébé)
Twiste ta sloche (twiste ta sloche)
Enweille enweille enweille bébé, là (enweille minou)
Laisse-moi t’licher la gadoue (liche la gadoue)
T’manger l’bonbon mou (miam bonbon mou)
Tu sais qu’t’es ben ben swell (pas mal swell)
Tu me dresses la paille vers le ciel (pointée au ciel)
J’ai des frissons plein l’pwel (j’ai ben du pwel)
— Les Barbotines
Ou ce flotteur, qui vous laisse en guise de grande finale un Cherry Blossom couvert de sloche et de crème glacée, comme si c’était pas déjà assez salissant de même.
Dans pas long, la machine à sloche va être remplacée par un gars avec des bretelles pis des lunettes bizarres qui jongle avec ton verre avant de le remplir d’une petite fumée, d’en frotter les bords avec du romarin, de tremper la paille dans un amer qu’il fait lui-même et de tailler la glace manuellement pendant que se forme derrière toi une longue file de gens qui veulent avoir leur drink, mais doivent se taper un show de saltimbanque du gin artisanal à la place.
Toutes les idées de Couche-Tard sont à base de bonbons, parce que le dep en vend aussi, et on trouve le hibou un peu chicken de ne pas proposer d’y mettre d’autres items qu’on trouvent aussi sur les rayons, comme des Takis épicés, de l’essuie-glace, du lait au chocolat sur le bord de passer date ou un pain blanc deux fois plus cher qu’à l’épicerie.
On pensait à tout ça, et aussi au fait qu’on vient de donner de l’argent à un millionaire antisyndicaliste qui prétend que s’il fallait qu’il paye ses employés un salaire décent, il serait obligé, crérais-tu ça, de vendre ses sacs de chips 12 piasses, et on a un peu perdu le focus sur notre rythme d’aspirage de paille.
Pis hooooooo shiiiiiit. [Soudainement, le temps ralenti, jusqu’à presque s’immobiliser, pis ça fait l’espèce de move de caméra bizarre de quand ça zoome sur un objet et que le premier plan recule pendant que le décor avance tsé ce qu’on veut dire? Comme dans le film Vertigo… on te trouverait bien le nom de c’te patente là si on était pas sur un…]
BRAIN FREEEEEZE!
Taper à juste une main car l’autre tient ton front, c’est dur en ti péché
Techniquement le congelage cervical, nom scientifico-savant du brain freeze, est causé par l’expansion trop rapide des vaisseaux vascularo-sanguins, alors que le corps (corpus humanus, en latin), pris d’assaut par une baisse drastique du Celsius dans la région bucco-buccale, tente d’apporter plus de sang à la région cortexo-frontale afin d’en faire augmenter la température.
Les symptômes du brain freeze sont :
La douleur;
Le ouch;
Une forte sensation de ayoye donc;
L’impression que ça fait mal;
Le bobo au front;
Un inconfort au niveau du pas bien.
Il ne s’agit pas, du moins c’est ce que nous a dit l’infirmière au 811, d’une raison pour aller à l’urgence.
Si la même mésaventure vous arrive, il importe d’abord de rester calme. Puis, faites le mort. Quoique… c’est-tu le truc pour les ours, ça? Peu importe, le temps d’appeler les faux services funéraires et de gérer vos faux pré-arrangements, le congelage cervical devrait être passé de par lui-même.
Si le malaise se poursuit pendant plus d’une heure, provoquez les conditions inverses à ce qui a causé le brain freeze en buvant le plus rapidement possible à l’entonnoir une tasse d’eau bouillante salée.
Vas-tu finir par décongeler d’la caboche?
«Vos papilles vont s’en souvenir», dit le matériel promotionnel du hibou au rythme de sommeil déréglé, ce qui sonne franchement comme une menace. La trace noirâtre laissée sur l’une de nos langues est effectivement un assez bon souvenir de Goudron sauvage, qui contraste avec l’assez mauvais souvenir du goût. Est-ce la faute à la paille en réglisse surette arc-en-ciel achetée impulsivement comme une p’tite shot de dopamine de bord de caisse? Se pourrait-il que d’aspirer de quoi de super méga surette avec de quoi de criffement surette rende ça indigeste? Mmmmmmmmmm difficile de se prononcer sur le sujet avec certitude. Une chose est sure (la pognez-vous?) : les joues, les yeux pis les ovaires nous ont plissé à chaque gorgée. Notre workout est fait pour la semaine.
La Swompe, elle, a un goût qui nous supplie d’y ajouter de l’alcool. Sa saveur crie «Wouuuuh! On fait de shots!» d'une voix aigue désagréable juste avant de passer proche tomber en bas de son tabouret. C’est dommage qu’on ait presque arrêté de boire de l’alcool (juste les jours impairs, désormais) depuis les récentes études qui disent qu’apparemment le liquide qui te fait oublier ton nom pis vomir ta vie quand t’en prends trop, ce serait pas bon pour la santé.
Man… la science! Y’a-tu quelque chose qu’elle peut pas découvrir?
— Mathieu, fasciné par le miracle de la vie
Mais le vrai problème avec la sloche, il est en fait environnemental. C’est peu connu, mais la sloche des tardifs du coucher est récoltée directement dans les savoureux glaciers d’Islande. Son importation par paquebot est extrêmement polluante. Alors plus on boit de sloche, plus la température augmente. Alors on boit plus de sloche. Et la température augmente.
Les changements climatiques, au fond, c'est un brain freeze planétaire.
La maîtresse glacière? Pourquoi c’est jamais inclusif, la job de brasser de la crèmaglace? Pis maître de quoi? Est-ce qu’on vient de se faire embarquer à notre insu dans un truc de BDSM laitier? Notre safe word c’est «crémette».
Vous devriez voir les 4 pages de journal intime qu’on a consacrées au retour trop bref des Timbits à la cerise. Mais vous pourrez pas les voir parce qu’on a barré notre journal avec un petit cadenas pis on a caché la clé pis vous la trouverez jamais.
Encore une fois, «crémette», notre safeword.
Cette finale est digne d'un revirement presque pas prévisible des Chefs, bravo!!