Hercule Poiroreo et la mystérieuse crème manquante
Oréo réduflationne-t-il sa petite crème? Appelez-nous Marie, Maude et Denis, parce qu'on mène l'enquête.
Tout ne tourne pas rond dans le royaume du ti-biscuit rond. Les fans de Oreo sont en colère. Elleux qui léchaient autrefois la crème de leur biscuit favori avec délectation trempent aujourd’hui leur dessert dans un verre d’amertume et de rancoeur. Est-ce la faute du capitalisme? Puisque vous lisez un texte de Vas-tu finir ton assiette, les chances sont bonnes que ce soit ça le punch. Mais continuez à lire quand même. Juste au cas.
Un sous-titre choquant, pour attirer votre attention
Tout a commencé, où d’autre, sur les médias sociaux. Dans une vidéo TikTok, une femme se plaignait que le rond de crémage du Oreo, qui historiquement touchait presque les bords du croustillant biscuit, est désormais réduit à un minuscule petit rond de rien.
S’il y a une chose que nous ont bien inculqué nos parents, la même génération qui partage sans se questionner l’espèce de texte au jargon pseudo-légal qui empêche prétendument Facebook de voler tes données pis de devenir propriétaire de toutes tes photos dans ton timeshare en Floride ou whatever, c’est bien qu’il ne faut pas croire tout ce que l’on voit sur internet.
C’est-tu vrai, l’histoire des Oreo qui shrinkflationnent? C’est-tu-ti pas vrai?
Une seule façon de le savoir : consulter le travail journalistique de prestigieux médias d’information qui, entre deux entrevues serrées avec des ministres et juste avant de faire tomber un puissant homme d’affaires de son piédestal en dévoilant un scandale et/ou financier et/ou sexuel, ont couvert la question.
Et c’est ainsi qu’article après article après article, nous pûmes apprendre que les journalistes avaient appris… que sur internet… des gens disaient que.
Original, le New York Post, a décidé de citer… le Wall Street Journal qui, lui, a parlé à un couple de quidams qui avait remarqué que. (On aurait bien aimé lire le Wall Street Journal directement, mais ça nous coûterait 2$ par mois pour lire l’article. Deux dollars! Par mois! On a-tu l’air d’être fait·es en lingot d’or!?)
Coudonc, y’a personne dans les salles de presse qui a pensé juste sortir du bureau pis aller acheter un paquet d’Oreo? On soupçonne les médias d’information mainstream d’être contrôlés par Big Biscuit.
Un autre sous-titre limite clickbait, pour rajouter du suspense
Ne reculant devant rien, sauf peut-être un ministre de la CAQ entonnant une chanson ou un grizzli en train de fouiller dans un dumpster derrière notre bloc (les temps sont durs pour tout le monde, incluant les grizzlis), nous avons mandaté notre bureau d’enquête1 pour mener… ben, l’enquête, là.
Nous avons commencé par établir une méthodologie afin d’assurer le bon déroulement des opérations :
Se rendre dans une épicerie de banlieue, avec une tuque et des lunettes fumées, pour garantir notre anonymat. Ça adonne aussi qu’il fallait aller souper chez nos parents parce que eille ça fait longtemps qu’on s’est pas vus pis ça serait bon une bonne fondue chinoise han pis gadonc ça Ricardo fait maintenant des sauces à fondue j’en ai acheté on va s’faire une tite dégustation ça va être le fun enweille viens donc fais-toi-en pas on va aller te reconduire après ben non ça nous dérange pas voyons faut juste pas que ton père s’ouvre une autre bière ça va être correct.
Se procurer des Oreo L’Original, en évitant la tentation de prendre aussi un paquet de ceux au gâteau aux carottes parce que menoum que ce sont les meilleurs.
Passer à la caisse et payer cash, pour pas laisser de traces bancaires. (La cryptomonnaie aurait aussi pu être une option.) Éviter le regard du caissier et ne jamais fixer les caméras de surveillance.
Cacher la boîte de biscuits dans son manteau, courir vers not’ driver en criant «pars le char, pars le char!» pis se glisser sur le siège du passager pendant que la voiture est en marche en faisant des ronds de shire dans le stationnement.
Arriver à la maison, s’assurer qu’on n’a pas été suivi·es, fermer tous les stores et les rideaux.
Pratiquer notre voix déformée pour parler comme les témoins anonymes dans les reportages
Se verser un verre de lait.
Ouvrir le paquet avec des gants (à teinture, c’est tout ce qu’on avait sous/sur la main).
Faire un premier examen visuel, puis avec un tape à mesurer pour plus de précision.
Manger la moitité du paquet, en bobettes sur le divan, devant un best-of des pires makeovers d’America’s Next Top Model.
L’étape 10, c’est pour valider l’hypothèse : un résultat probant, c’est un résultat que l’on peut reproduire dans des conditions identiques. Ainsi, plus on mange de biscuits, plus on confirme la conclusion. S’bourrer la face, c’est d’la science.
Et maintenant, une plogue de commanditaire
Que voulez-vous, les médias canadiens sont en crise, c’est pourquoi nous avons besoin d’argent pour nous acheter des biscuits pour faire des miettes sur la version papier du Devoir qui va bientôt disparaître!
Comptez-vous chanceux·ses qu’on n’enquête pas sur le trafic illégal de truffes noires dans la campagne italienne, faudrait augmenter nos prix pour souper au Pacini toutes les semaines.
Un sous-titre pour marquer la fin de la plogue et la suite du texte, qui n’en finit plus d’être palpitant
À l’ouverture du paquet, une première chose nous révolte : y’a aucun, et on dit bien aucun, AUCUN astifi de tabarli de crimpof de moyen que c’te paquet-là se referme comme du monde pis que les biscuits deviennent pas touttes venteux dans deux jours. C’est clairement une machination pour pousser les consommateur·rices à en acheter toujours plus! C’est de l’obsolescence programmée d’éventage de biscuit.
Deuxième constat : soit on est devenu·es beaucoup plus fort·es et musclé·es à force de monter pis de descendre notre bac à recyclage du deuxième étage, soit c’est pas mal moins forçant qu’avant de sortir le premier biscuit de la rangée. Avant, fallait mettre du Jigaloo, ramasser le biscuit avec des pinces à barbecue, le branler un ti peu de toué bords pour le libérer de ses congénères pis y aller ben lentement, style Tom Cruise dans le premier Mission: Impossible, pour le retirer sans tout l’émietter.
C’est comme si y’en… avait… comment dire… moins dans le paquet?
Et au moment d’ouvrir le premier Oreo en deux…
Un sous-titre qui arrive juste avant la réponse que vous cherchez, pour allonger le texte
… on retire nos lunettes comme les Dr Sattler pis Grant dans Jurassic Park pis on cligne des yeux cinq-six fois pour être ben sûr·es qu’on fait bien le focusse.
Non, c’pas un brachiosaure devant nous, c’t’encore plus surprenant : y’a un ti-tour pas-de-crème dans le bessecuit.
Autrement dit, la crème va pu jusqu’au rebord, comme sur l’image.
Autrement autrement dit, un clip viral su’ TikTok qui contient les #trump #biden #politics avait pas pire raison. (Même si notre biscuit semble nettement plus crému, tout en étant moins crému que dans le golden age du crému.)
Dit encore une fois différemment, on s’fait crosser solide par la réduflation.
L’OQLF avait pourtant proposé l’excellent mot-valise «inflatiduction». J’comprends pas c’qui s’est passé.
— Caroline, historienne de la langue
Par rigueur journalistique, on a vérifié, pis c’est pas parce que le biscuit est devenu plus gros.
Reste l’hypothèse que peut-être que Oreo a pas le choix de couper sur le crémage. Après tout, les temps sont durs, pis on est tous·tes dans le même bâteau, c’est pas facile pour personne, pis la famille Desmarais aussi découpe les coupons rabais dans la circulaire du Super C.
Pour vérifier que Mondelez, la compagnie qui est au top de l’organigramme d’Oreo, était pas sur le bord de la faillite et tentait par tous les moyens possibles de préserver cette marque iconique par des gestes tendres de compromis crémagiers, on a googlé «Mondelez profits 2023». On va être honnêtes : on n’a pas toute toute compris. Avoir su, on aurait écouté dans notre cours d’économie au secondaire, plutôt que de dessiner Fido Dido au liquid paper sur notre cartable Lisa Frank. On est quand même tombé·es sur un article qui dit que le «quarterly net revenue rose to $9.03 billion» dans le third quarter, ce qui beate les «analysts’ average estimate of $8.83 billion», pis ça nous donne le feeling que ça va pas pire, les affaires.
Contacté par notre équipe afin de répliquer aux allégations de crossage sur le crémage, le patron de Mondelez a simplement répondu «Qu’ils mangent des Oreo à la brioche à la cannelle!» avant de s’allumer un cigare avec un billet de 10 000$ pis de cracher sa gorgée de Louis XIII Rémy Martin sur un sans-abri.
Pis ceux qui sont en tabarnaque y viendront dire qu’on é arnarque
On est ben ouverts à vos commentaires si vous payez l’cognac gnac gnac
Si vous payeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeez l’cognac (à 2600 piasses le verre)
— Dirk Van de Put2 Latraverse
Ça c’est nous, mais avec une loupe pis un accent.
C’est le vrai nom du boss de Mondelez, mais nous on préfère dire «Dirk Van de Travailleuse du sexe», parce que sex work is work.
Pour la science, ça vaudrait la peine de réessayer avec toutes les (bonnes) saveurs. Pour la comparaison, tsé. Aucune autre raison.
(mon copain anglophone dirait que c'est pour manger MOREos.)