On a testé : la luminothérapie
Te sacrer une forte lumière dans la face permet-il de moins… novembre?
Pour combattre la grisaille de l’hiver, la dépression saisonnière et le «voyons donc que j’ai pu le goût de rien après 16 heures je me demande si ça a un lien avec le fait que c’est maintenant déjà LA NUIT», la science moderne suggère entre autres la luminothérapie.
Nous suggérons également d’avoir un condo dans le sud ou d’habiter dans le sud, mais pas le sud avec les inondations, là, le sud riche qui va bien.
— La Science
Ne reculant devant rien, et surtout pas devant notre envie de passer un mois entier au lit comme les grands-parents de Charlie dans Willie Wonka, nous avons donc essayé cette année d’exposer nos deux doux visages et nos quatre rétines à un bombardement de lux censé nous redonner la joie de vivre et la capacité de ne pas se plaindre qu’il fait noir donc ben tôt que ça a pas de bon sens voyons y’é-tu 10 heures ah non y’é juste 6 heures j’peux toujours ben pas me coucher à 6 heures ça a pas de sens comment y fait nouère.
Et tel·les de vaillant·es béta testeur·ses d’un spécial Protégez-vous ou d’un vulgaire article de Buzzfeed à titre racoleur, nous vous présentons ici notre journal quotidien de notre folle aventure au pays de l’éclairage médicinal1.
COMMENT ÇA FONCTIONNE
Pour être en santé, le corps a besoin d’eau, de nourriture, mais aussi de lumière. Les atomes de lumière (appelés des Luminoux) pénètrent la peau, et bronzent nos cellules, leur donnant un joli tan, et l’envie de boire un petit vin rosé pétillant sur une terrasse en milieu d’après-midi. Ces cellules de bonne humeur créent un effet que les médecins appellent le «pep dans l’soulier».
Pendant l’hiver, surtout après le changement d’heure, ce truc absolument essentiel instauré durant la Première Guerre mondiale pour économiser sur le suif de baleine dans les lanternes or some shit, il est difficile pour le corps d’avoir sa dose de Luminou. Le capitalisme, ayant l’habitude d’être le problème ET la solution, a quelque chose à nous vendre pour ça : les lampes de luminothérapie.
Vous n’avez pas le budget d’une lampe de luminothérapie? Vous pouvez cranker up la luminosité de votre cell pendant que vous doomscrollez en pleine nuit, ça devrait faire l’affaire!
— Le capitalisme, qui, ah ben gadon, vend aussi des iPhone
Ces lampes, qui ont en leur centre un petit morceau de soleil ramené par une mission de la NASA, te blastent dans’ face avec assez de lumière pour compenser le fait que pour les six prochains mois, tu vas voir plus de «construction de cet autre, et de sa culture qui, par définition, serait dangereuse» à l’Assemblée nationale que de soleil.
Oui, on l’a dit. Allez-y. Passez une motion unanime contre nous.
— Les Vas-tuOu mieux encore : passez nous voir au Salon du livre de Montréal samedi et dimanche prochains!
— Les Vas-tuC’est quoi le lien avec la motion?
— Les Vas-tuBen, passez une motion, passez nous voir le samedi de 14 h à 15 h ou le dimanche de 11 h à midi au kiosque #404 Québec Amérique!
— Les Vas-tuOoooooh est bonne!
— Les Vas-tuMerci!
— Les Vas-tu
Jour 1
Branche la lampe, allume la lampe et WOPELAILLE QUE C’EST FORT C’T’AFFAIRE-LÀ! On voudrait ben lire les instructions pour savoir comment faire pour ajuster la luminosité pis le temps pis la force, mais on est aveuglé·es, véritables chevreuils devant les phares de la médecine moderne. On attend donc patiemment, les yeux fermés et larmoyants, qu’elle se tanne d’elle-même et s’éteigne. Épuisé·es par cette première séance, on retourne se coucher même s’il n’est que 10 heures et demie du matin. On a tenu plus longtemps qu’hier sans lampe, c’est donc signe que ça marche, non?
Jour 2
On ne se fera pas prendre deux fois : on a lu les instructions dans le noir et on a trouvé le bouton on-off. On ferme les yeux AVANT d’ouvrir la lampe, par protection rétinienne, mais en voulant peser sur le bouton d’allumage, on accroche notre café, qui décide de son plein gré d’aller se crisser dans le clavier de notre ordi. Mais comme on a les yeux fermés, on s’en rend pas compte pantoute, faque on profite de notre lampe dans la joie et l’allégresse pendant une heure. Wow, on sent vraiment une différence!
Jour 3
Notre clavier est toujours un peu collant, ce qui cause parfois des petitsproblèmeslorsquonveutfaireshiftoubedonlaspacebarquoiquec’est int er mit t ent, mais cette lampe nous donne un air santé pendant notre troisième zoom de la journée. Et si… et si on a laissait yienque un ti peu plus longtemps que le suggère le manuel? Ça peut pas être nocif, parce qu’il fait de plus en plus noir, donc on a besoin de plus en plus de lumière, c’est mathématique. Deux heures ce sera!
Jour 4
Bon matin le soleil! Oh il fait gris? Pas grave : on a notre lampe! On l’allume, on se place devant, et on est prêt·es pour une belle journée de travail productive de 15 heures en ligne avec le feeling d’être dans le sud. On a même des démarcations de pyjama! (D’ailleurs, pourquoi les compagnies de maillots font pas de bikini en polar?)
Jour 5
On a vidé cinq poches de sable du Canac sur le plancher de notre bureau, on a acheté deux petits palmiers un peu jaunis au centre jardin et on a renommé notre routeur BellPlayaDelCarmen (mot de passe si vous voulez vous connecter au wifi : margaritaville, tout en minuscules). Si on peut pas aller dans le sud, le sud va venir à nous!
Jour 6
Le voisin d’en dessous s’est plaint qu’il y avait du sable partout dans son lit. Y sonnait vraiment pissed, d’après nous, y’é clairement en dépression saisonnière. On a répondu à son texto d’insultes avec un lien vers la page Amazon de notre lampe avec un code pour l’avoir en rabais, fabriquée par un enfant à base de métaux lourds qui minent sa santé, emballée par un gars qui pisse dans une bouteille en plastique comme seule pause de sa journée et livrée par un gars qui n’a pas les moyens de s’en acheter une. Même pas besoin de nous dire merci, on fait ça par bonté de coeur!
Jour 7
Le voisin a commencé à déménager, et on s’est senti·es presque peiné·es, parce qu’on l’aimait vraiment, il venait à tous nos partys, y venait souper le dimanche soir, en fait notre voisin c’était notre meilleur ami depuis le primaire avant qu’il tombe en dépression saisonnière. On dit presque, parce qu’on a juste eu à allumer Marie-Soleil (c’est le nom de notre lampe), pis ça allait déjà mieux. En plus, on n’a même pas vu notre voisin nous faire ses adieux. On s’est sauvé·es de ce moment awkward avec quelqu’un qui va pas bien.
Jour 8
À grands coups de flashlight dans la cornée chaque matin, la bonne humeur nous est revenue, et elle a amené avec elle une belle positivité. On est à nouveau capables de voir le beau côté des choses. Le soleil se couche à 16 heures? Cool. On peut regarder un coucher de soleil sur le temps de job!
Jour 9
On ne peut pas croire que les gens existaient avant l’invention de la lumière. Faisaient quoi, les gens d’avant qu’Edison se dise «Hey! Pis si j’enfermais un petit spring qui brûle dans une cloche de verre?» ? Y se mettaient la face dans un chandelier en espérant que leur toupet pogne pas en feu? C’est pas une vie, ça.
Jour 10
On feelait un peu down à matin, et on a compris que c’était sûrement parce qu’on avait passé une mauvaise nuit dans le noir. Pour chasser les cauchemars, ce soir, on garde notre lampe près de nous (à faible luminosité, on n’est pas caves non plus) comme tendre veilleuse.
Jour 11
On parle de notre lampe de luminothérapie à tout le monde qu’on croise! Sylvie, du bureau. La fille à côté de nous dans le métro qui a fait semblant de pas nous entendre avec ses écouteurs. Le sans-abri qui campe pas loin de chez nous. «T’es vraiment juste à 7 heures de luminothérapie par jour de sortir de ton mindset d’itinérant!», qu’on lui a dit. Il n’a pas eu le temps de nous répondre parce que la police était en train de déchirer sa tente à grands coups de canif, mais on pense que le message a passé.
Jour 12
Paraît que ça va pas ben dans le monde à cause de la politique. Peut-être que la politique devrait essayer la luminothérapie? Un p’tit quatre ou cinq heures par jour, là. Rien de drastique.
Jour 13
Ce soir, on a croisé un lampadaire, et on s’est senti·es comme… attiré·es par sa lumière. On a seulement réussi à grimper les trois premiers mètres du poteau, mais si on avait eu notre kit d’escalade, on aurait certainement pu aller regarder sa lumière de proche. La toucher. Y pénétrer.
On s’est contenté·es de tourner autour pendant une demi-heure avant qu’une voisine inquiète appelle le service de police. On est parti·es en catimini. Y’auraient rien compris. Ignares.
Jour 14
Y’a des voisins qui ont déjà mis leurs décos de Noël dehors : sapins illuminés, pères Noël clignotants, éclairages en formes de couronnes, couleurs changeantes, couleurs chatoyantes, couleurs attirantes…
On a refermé le rideau juste assez pour se cacher et, une main sur Marie-Soleil et l’autre sur notre intimité, on a regardé les décos dehors longtemps, longtemps, jusqu’à ce qu’on voie des étoiles.
Jour 15
On regrette de ne pas avoir vécu au siècle des Lumières. Ça devait être si cool. La lumière pendant 100 ans. Wow.
La lumière.
Wow la lumière.
Jour 16
Gloire au Dieu Lumière. Le Dieu Lumière est bon.
Jour 17
Gloire au Dieu Lumière. Le Dieu Lumière est bon.
Jour 18
Gloire au Dieu Lumière. Le Dieu Lumière est bon.
Jour 19
Gloire au Dieu Lumière. Le Dieu Lumière est bon.
Jour 20
Gloire au Dieu Lumière. Le Dieu Lumière est bon.
Jour 21
Il est 6 heures du matin, et on se lève. Ou est-il 11 heures? 15 heures? 23 heures et 12 minutes? Difficile à dire. Nos journée baignent dans une lumière éternelle, qui remplit pupilles et nerfs optiques, et nous procure un bonheur tout aussi éternel. Même le bill d’Hydro qui s’en vient ne suffira pas à nous ramener dans les ténèbres, morales et réelles.
CONCLUSION
Que ce soit pour faire sécher des tomates, pogner le cancer de la peau ou illuminer la surface de la Terre, on va se le dire, y’a rien de mieux que le Soleil. Le Soleil, c’est le best.
Mais des fois, le Soleil, y décide de juste crisser son camp pis y nous laisse tout·es seul·es avec notre caquet bas pis notre envie métaphorique de nous gunner. Faque vachier, le Soleil. Tu as vécu trop longtemps avec l’impression d’être irremplaçable. Une impression fausse.
Remplacé, tu l’as été. Au centre de notre système solaire, il y a maintenant Marie-Soleil.
Here comes the lampe toudidoudi
Here comes the lamp
Pis Hydro
Y passe pas
— The Billtles
Par éclairage médicinal, nous ne parlons pas de quand le médecin sort sa lampe de poche pour te checker les amygdales parce que ça fait mal quand t’avales, ni de quand l’infirmière-chef plogue les néons de l’unité de néonatalogie sur la génératrice d’urgence parce qu’un ministre de la CAQ a encore décidé de couper dans la santé pour «limiter les dépenses inutiles et assainir les finances de l’État».